Portrait d’éditeur – éditions du Détour (janvier 2025)
La Région Nouvelle-Aquitaine compte plus de 200 éditeurs, qui abordent des thématiques variées dans des catalogues exigeants. Soixante d’entre eux ont choisi de former le collectif AENA (Association des Éditeurs de Nouvelle-Aquitaine), dont les libraires de LINA sont bien évidemment partenaires.
Le réseau LINA, partenaire des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine, vous propose de (re)découvrir chaque mois un éditeur membre de l’AENA, sa ligne éditoriale, son catalogue, son équipe et son histoire le temps d’un portrait.
Ce mois-ci, partez à la rencontre des éditions du Détour.
Comment décririez-vous l’ADN / l’identité de votre maison d’édition, son histoire et ses valeurs ?
Notre maison, c’est avant tout l’histoire d’une liberté. Liberté d’être indépendants (nous avons travaillé pour des grands groupes et aimons faire nos propres choix), liberté de partager du savoir et des idées sur les sujets que l’on veut, même s’ils n’ont pas bonne presse : la sexualité, le football, la pop, la résistance au monde de l’argent, et même la sécu :-), liberté pour nos auteurs et autrices, qui sont des expert.es, d’écrire plus librement, hors des canons académiques, tout en conservant l’exigence scientifique.
Pourriez-vous nous parler du processus de découverte et de sélection des textes au sein de votre maison d’édition ? Que recherchez-vous chez un.e auteur.ice ou un manuscrit pour décider de sa publication ?
Nous travaillons de multiples façons : il y a les auteurs et autrices que nous suivons depuis le début, qui nous présentent les gens dont ils aiment le travail, et aussi les nouveaux venus au catalogue, souvent pour un premier livre car nous adorons découvrir de nouvelles voix du savoir, qui nous contactent par email ou à qui nous écrivons en leur disant : vous n’auriez pas envie d’écrire un livre là-dessus ? Et je fais un appel car nous recherchons des directeurs et directrices de collection pour nous amener d’autres angles, d’autres projets, toujours en non-fiction. Écrivez-nous !
Pourriez-vous nous parler d’une publication récente qui incarne particulièrement la vision éditoriale de votre maison d’édition ?
Nous publions Endométriose : Reprendre le pouvoir, le premier livre de Marie-Eloïse Basso, une militante féministe, psychologue de formation et psychanalyste par ailleurs. C’est un projet que nous cherchions depuis longtemps et Marie-Eloïse Basso nous l’a proposé directement. C’est un livre qui explique l’endométriose et son univers : les causes, les soins, les manques… mais aussi un livre qui décrit les enjeux sociétaux véhiculés par le combat contre cette maladie. C’est politique de faire reconnaître sa souffrance, son handicap au travail, dans sa vie sociale et c’est une lutte qui appelle à une grande solidarité et une grande énergie combative. Voilà ce que nous cherchions : un livre pour comprendre l’endométriose, mais qui donne du courage et des arguments à celles et ceux qui en subissent les conséquences. L’endométriose est un sujet de société, mais aussi un sujet pour la société.
Pourriez-vous nous parler d’une collaboration récente entre votre maison d’édition et une librairie indépendante qui vous a particulièrement marqué.e ?
J’ai plein de super souvenirs de collaborations en Nouvelle-Aquitaine, en voici deux très différents. À Bayonne, la librairie Elkar avait organisé une super soirée au cinéma avec des associations féministes avec une conférence de notre autrice Mathilde Larrère (Dernière parution : On s’est battu.es pour les gagner) et un film. C’était une soirée merveilleuse, soleil couchant en bord d’Adour, une salle archi comble pour parler histoire des luttes féministes… Incroyable ce qu’une librairie est capable de faire ! Et récemment au Contretemps, ma librairie de cœur à Bègles, une soirée à l’inverse tranquille comme en connaissent souvent les libraires, avec un groupe de fidèles clients, un prof de fac qui modérait la soirée, un historien endiablé pour causer guerre d’Espagne (Pierre Salmon : Un antifascime de combat). C’était passionnant, c’était bon de se retrouver en pleine dissolution pour parler de lutte contre le fascisme. C’était la vie ordinaire, si peu spectaculaire et pourtant si cruciale, du livre.
Face à l’évolution de la chaîne du livre vers une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, comment votre maison d’édition se positionne-t-elle et/ou que met-elle en place ?
Nous mettons en place ce que nous pouvons faire. Nos livres sont imprimés en France (pas de pliages, pas besoin de beaucoup de main d’œuvre), nos tirages sont très contrôlés (impression numérique en petit nombre, peu de retours), notre papier est certifié et notre imprimeur labélisé Imprim’vert (comme la majorité de l’édition française), nous venons de renoncer au pelliculage (le plastique sur les couvertures), nous publions seulement une dizaine de livres par an, nous nous efforçons de rémunérer justement nos collaborateurs. Mais ce sont nos habitudes de consommation qui sont à repenser : a-t-on toujours besoin d’un livre en urgence, voire livré chez soi ? Ne peut-on pas être plus raisonnable en termes de nombre de titres, de contrôle des tirages et des pilons ? Que dire de cette économie où l’essentiel de la valeur va aux grands groupes et aux GAFA au détriment des plus fragiles ? Comment intégrer l’occasion dans une chaine de rémunération juste pour tous, notamment les auteurs ? Le chantier est très vaste et devra se mener aussi avec l’État. Le travail des associations de professionnels du livre indépendant est vital.
Quels sont les projets de votre maison d’édition, comment voyez-vous l’évolution de sa proposition ?
Nous cherchons à enrichir notre catalogue et sommes en pleine recherche de projets (livres de sciences humaines) et de financements pour les mener. Et sinon, notre projet de départ d’accompagner le lectorat qui souhaite vivre dans un monde joyeux, bigarré et juste, qui prend le temps de réfléchir et d’apprendre, n’a jamais semblé aussi urgent. C’est pour cela qu’on édite, non ?