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Portrait d’éditeur – L’Ire des marges

Portrait d’éditeur – Les éditions l’Ire des marges (avril 2021)

La Région Nouvelle-Aquitaine compte près de 200 éditeurs, qui abordent des thématiques variées dans des catalogues exigeants. Cinquante d’entre eux ont choisi de former le collectif AENA (Association des Éditeurs de Nouvelle-Aquitaine), dont les libraires de LINA sont bien évidemment partenaires.

Le réseau LINA, partenaire des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine, vous propose de (re)découvrir chaque mois un éditeur membre de l’AENA, sa ligne éditoriale, son catalogue, son équipe et son histoire le temps d’un portrait.

Ce mois-ci, partez à la rencontre des Éditions l’Ire des marges avec Bérengère Pont.

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Pouvez-vous nous présenter votre maison d’édition, son histoire, son catalogue, sa ligne éditoriale ?

L’Ire des marges est une maison d’édition de littérature contemporaine qui a vu le jour en février 2013 avec notamment la sortie du premier roman de Brigitte Comard, Hydroponica. Le catalogue compte aujourd’hui une quarantaine de titres, à raison de 4 à 6 publications annuelles. Au départ, il s’agit d’une aventure collective qui a permis de poser les fondations de la maison. Aujourd’hui, j’assume l’essentiel du travail lié à la publication des livres, à l’exception de la diffusion et de la distribution.

 

La ligne éditoriale de L’Ire des marges est délibérément plurielle : il s’en dégage plusieurs orientations, valeurs, qui traversent, irriguent le catalogue. Les choix de publications sont volontairement éclectiques (au sens où je publie romans, nouvelles, théâtre, poésie, textes hybrides…), mais toujours guidés par l’idée que la création littéraire part d’une marge que constitue la singularité d’une langue, d’une voix, d’un regard posé sur soi et sur l’autre, d’un engagement dans le monde. Ça ne s’appelle pas L’Ire des marges par hasard ! Il s’agit de donner une forme à ces voix d’autrices et d’auteurs, un contenant, une lisibilité, une esthétique à travers l’objet livre.

 

Le catalogue s’organise autour de quatre collections :

 

Majuscules, d’abord, qui accueille toute la diversité des formes longues, du roman au recueil de nouvelles en passant par le théâtre et la poésie. Des livres souples et résistants qui dévoilent les coulisses de leur fabrication, avec des dos cousus-collés apparents. C’est dans cette collection qu’ont paru entre autres, les romans de Derek Munn, mais aussi Une chambre à écrire de Michèle Lesbre, Juliette Mézenc, Dominique Sigaud et Sophie Poirier.

 

Les 3 autres collections relèvent d’une expérience de fabrication entièrement manuelle et à la demande, autonome et économique qui propose aux lecteurs des livres élégants pour un prix raisonnable.

 

Vies minuscules se consacre à la publication de formes courtes et expérimentales. Elle est ouverte à des inédits d’auteurs qui ont peu ou n’ont pas encore publié.
Avec cette collection, l’objectif est d’offrir un lieu de visibilité au modeste, à l’oublié, l’invisible, le subalterne. Les vies minuscules ouvrent un espace pour dire l’ordinaire, afin que, comme l’écrit Pierre Michon, à qui est emprunté ce beau titre, « un peu de vrai vienne au jour ».

 

Contrevues, pour, comme l’écrit Péguy, « avoir la contre partie, la vue de l’autre côté, la contrevue pour ainsi dire (…) » qui propose poésie, journaux, récits, fictions, pour affirmer un point de vue sur le monde et porter une parole politique. Créée au printemps 2020, la collection compte déjà deux titres : Les Poèmes collapsologiques de Victor Martinez et Qu’allons-nous faire de nos colères ?, le journal politique d’Eric Chevance.

 

Enfin, la collection Comment la parole, un répertoire de textes courts, contes, nouvelles, récits singuliers sur les relations entre les auteurs et les lecteurs. Pour les écrire, leurs auteurs se sont inspirés de témoignages de lecteurs recueillis par la comédienne et metteure en scène Sophie Robin. Du dire à l’écrit, de l’écrit au dit, du dit au livre, une boucle sans cesse renouvelée.

Comment travaillez-vous avec les librairies indépendantes ?

Pas suffisamment à mon goût ! L’Ire des marges est diffusée et distribuée pour l’instant par un petit diffuseur, AMALIA, et entretient des relations privilégiées avec quelques librairies indépendantes comme La Machine à Lire à Bordeaux qui a toujours soutenu les publications, régulièrement invité les auteurs et autrices pour présenter leur ouvrages.

 

Mais il est vrai que je souhaiterais consacrer plus de temps à promouvoir directement le catalogue auprès d’un plus grand nombre de libraires indépendants.

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Parlez-nous de votre actualité

Dans la collection Majuscules vient de paraître en février : Salade, tomate, oignons – Portrait d’Amakoé de Souza de Jean-Christophe Folly. Le livre propose successivement le texte du spectacle que l’auteur, qui est également comédien, a créé en 2019 à la Comédie de Caen et pour lequel il a reçu le prix de la SACD de la Fondation Beaumarchais, et le récit qu’il avait d’abord écrit avant de l’adapter pour le théâtre. Ces deux versions se répondent et offrent un dialogue entre la scène et le livre.

 

C’est un monologue d’une grande force tant politique que poétique : un homme seul, envahi par les mots, raconte sa rencontre avec une femme, un soir, dans un kebab. Dans ce récit, l’auteur dresse non seulement le portrait d’un homme et d’une femme issus de l’immigration mais aussi, à travers eux, celui d’une génération qui questionne les héritages et refuse les appartenances caduques. Et c’est dépouillés de ces dépendances, assumant une forme de fragilité, de nudité, qu’ils décident de vivre et d’opérer leur révolution, « à la Tupac, à l’Albertine, à la Rimbaud ».

 

Salade, tomate, oignons, le spectacle, fait l’objet d’une tournée en France. Il a été notamment programmé au TNP de Villeurbanne, à Dijon, Colmar… pour l’instant, et c’est une chance, les dates sont reportées au 2e semestre 2021. C’est donc un livre à découvrir en attendant la réouverture des théâtres !

 

Et pour les mois à venir, des parutions enthousiasmantes :

 

Tout d’abord, une nouvelle collection de recherche/création, « Bruits de Langues », en partenariat avec le festival éponyme et l’université de Poitiers. Des monographies sur des auteurs ou autrices émergents. Le premier opus sera consacré à Marie Cosnay.
Ce qui tombe fort bien puisque, dans la collection Majuscules, paraîtra en même temps Nos Corps pirogues, un récit de Marie Cosnay dont on connaît notamment le travail de témoignage et l’engagement pour l’accueil des migrants. Ce texte traite des questions que soulèvent cet accueil et l’accompagnement de jeunes qui traversent nos pays et se heurtent aux frontières politiques.

 

Egalement à venir le nouveau roman de Derek Munn, La main gauche, dont l’héroïne est une artiste plasticienne. L’auteur nous entraine ici dans un dialogue intérieur, qui mêle carnet de création et journal de voyage, dans l’intimité de la conception d’une œuvre sur le thème des barricades.

 

Enfin, dans la collection vies minuscules, une nouvelle de Patrice Luchet, La rentrée de tout un peuple, portraits d’adolescents, un jour de rentrée scolaire, qui animent cette photo de classe littéraire.

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